Cours IPA PSM: Episode dépressif caractérisé (EDC)
La dépression
« La tristesse, c’est un peu comme un rhume de cerveau – avec de la patience, ça passe. La dépression, c’est comme le cancer. »
(Kingsolver & Bequie, 1997)
Généralités:
- 1ère cause de handicap dans le monde (OMS, 2021)
- 1 personne sur 5 a souffert ou souffrira d’une dépression au cours de sa vie
- 10% de la population française (Laforcade, 2016)
- 1er poste de dépense de santé en France (Ministère des Solidarités et de la Santé, 2018)
- Facteur de risque de suicide important: 5 à 20% des patients se suicident
Symptomalogie:
OMS, La classification des maladies mentales, CIM 10 ; APA, Diagnostic and StatisticalManual of Mental Disorders, DSM-5
EDC: psychométrie:
- PHQ-9 Patient Health Questionnaire
- HDRS 17 Hamilton Depression Rating Scale
- MADRS Montgomery – Asberg Depression Rating scale
- QIDS-SR16 Quick Inventory of Depressive Symptomatolgy
- BDI II Beck Depression Inventory
Les différentes formes de dépression
Formes cliniques des EDC:
- avec caractéristiques mélancoliques
- avec caractéristique psychotiques
- avec détresse anxieuse
- avec caractéristique atypique
- avec caractéristique catatonique
- avec caractéristique mixte
Formes évolutives des EDC:
- Isolé
- Récurrent
- Persistante = chronique = supérieur à 2 ans
- Prémenstruelle
- Avec caractère saisonnier
- Avec début lors du péri partum
Caractéristiques mélancoliques
A/ au moins 1 sur 2:
– Perte de plaisir pour toutes ou presque toutes les activités
– Absence de réactivité aux stimulus habituellement agréables
B/ au moins 3:
-Qualité particulière de l’humeur dépressive : abattement profond, sentiment de désespoir, morosité, anesthésie affective
-Dépression régulièrement plus marquée le matin
-Réveil matinal précoce (au moins 2 heures avant le réveil habituel)
-Agitation ou ralentissement psychomoteur marqué
-Anorexie, perte de poids (- 5%)
-Culpabilité excessive
Caractéristiques psychotiques
=> présences d’idées délirantes ou hallucinations congruentes ou non à l’humeur
•Thèmes congruents à l’humeur: culpabilité, ruine, hypocondrie, conviction de mort de proche
•Persécution
•Parfois thèmes non congruents: pensées imposées, influence
•Au maximum, syndrome de Cotard
– négation d’organe
– négation de soi, du Monde
– Damnation
– immortalité
+/- négativisme
Avec caractéristiques atypiques:
A) Une réactivité de l’humeur à un événement réel ou anticipé
B) Au moins 2 critères :
1) hyperphagie, gain de poids (+ 5%)
2) Hypersomnie (+ 2 heures ou plus de 10h de sommeil par jour)
3) Membres »en plomb » : sensation de lourdeur dans les bras, jambes
4) Sensibilité au rejet dans les relations interpersonnelles (facteur trait)
Avec détresse anxieuse:
Au moins 2 symptômes suivants:
1) Sentiment d’énervement ou de tension
2) Agitation
3) Difficultés de concentration dues à des soucis
4) Peur que quelque chose d’horrible ne survienne
5) Sentiment d’une perte de contrôle de soi
Avec catatonie:
Au moins 3 symptômes:
1)Stupeur
2)Catalepsie
3)Flexibilité cireuse
4) Mutisme
5) Négativisme
6) Prise de posture
7) Maniérisme
8) Stéréotypie
9) Agitation
10) Expression faciale grimaçante
11) Echolalie
12) Echopraxie
Avec caractéristiques mixtes:
Au moins 3 symptômes maniaques ou hypomaniaques:
1)Humeur élevée, expansive
2)Augmentation de l’estime de soi, idées de grandeur
3)Plus grande communicabilité que d’habitude, désir de parler constamment
4)Fuite des idées, sensation que les idées défilent
5)Augmentation de l’énergie, de l’activité orientée vers un but social, professionnel, sexuel
6)Engagement augmenté, excessif dans des activités à potentiel élevé de conséquences dommageables (achats inconsidérés, conduites sexuelles)
7)Réduction du besoin de sommeil sans fatigue
Avec caractère saisonnier:
A)Relation temporelle régulière entre la survenue des EDC d’un trouble dépressif majeur et une période particulière de l’année (automne, hiver)
B)Relation temporelle régulière entre rémission complète et une période de l’année (printemps)
C)Au moins 2 EDM sur les 2 dernières années
Dépression bipolaire
Dépression bipolaire et trouble bipolaire:
- Spectre bipolaire
- Formes atténuées
- Classification de Akiskal
Traitements pharmacologiques de la dépression bipolaire:
Evolution d’un EDC
- Réponse : diminution de 50% des symptômes
- Rémission partielle : présence de 2 à 4 symptômes HDRS-17 entre 8 et 14
- Rémission complète : absence de symptômes pendant 2 semaines
- HDRS-17 ≤ 7 MADRS ≤ 10
Rechute : avant guérison
Récurrence = récidive : après guérison
Chronique : durée supérieure à 2 ans
Trouble dépressif caractérisé récurrent:
après un 1er EDC, 60% des patients présentent un 2ème épisode après 5 ans
- Le phénomène de « kindling » ou sensibilisation
- L’accumulation d’antécédents d’EDC accroît la vulnérabilité à la dépression
- = succession d’épisodes dépressifs de plus en plus indépendants des facteurs de stress environnementaux
Dépression pharmaco-résistante
- 30 % des patients déprimés ne répondent pas aux différents antidépresseurs,
- 30 % présenteront une réponse clinique partielle,
- 40% seulement des patients atteindront une rémission clinique complète à l’issue d’un traitement bien conduit
- Kennedy et al., 2011 ; APA 2010 ; NCCMH 2009 ; Gaynes et al., 2012 ; Perlis et al., 2009
Pharmaco-résistante = non-réponse à deux traitements pharmacologiques antidépresseurs, de posologie et de durée suffisantes:
- Stade de résistance de Thase et Rush
- Stade 1 : ISRS ou IRSNA ou alpha-2
- Stade 2 : ISRS ou IRSNA ou alpha-2
- Stade 3 : tricycliques
- Stade 4 : IMAO
- Stade 5 : ECT
Résistance aux traitements antidépresseurs:
- De 2 à 5 : résistant
- De 6 à 8 : très résistant
- Supérieur à 8 : ultra résistant
Traitements
Traitements pharmacologiques et non pharmacologiques de la dépression:
- Les antidépresseurs « classiques »
- Psychothérapies (TCC,Thérapies interpersonnelles,ACT,MBCT)
- Neuromodulation
Les antidépresseurs classiques:
Voies monoaminergiques:
Sérotonine, noradrénaline, dopamine
Mécanisme d’action des antidépresseurs:
- ISRS (Antagoniste du transporteur SERT)
- IRSNA (Antagoniste du transporteur SERT et NET)
- Mirtazapine (Antagoniste du récepteur adrénergique alpha-2 + antagoniste des récepteurs 5HT)
- TCA (Antagoniste du transporteur SERT et NET,Antagoniste des récepteurs M, H1, alpha-1)
ISRS Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine
IRSNA Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de noradrénaline (Venlafaxine, Duloxétine, Milnacipran)
Antagoniste des récepteurs alpha-2
Antidépresseurs Tricycliques
IMAO
Inhibiteurs de la monoamine-oxydase
Contre-indications des antidépresseurs:
- Hypersensibilité
- Association à un IMAO non sélectif
De nombreuses précautions d’emploi:
Troubles sévères de la conduction cardiaque, glaucome, hypertrophie bénigne de prostate pour les antidépresseurs tricycliques….
Principaux Effets Indésirables des antidépresseurs:
- Principaux EI la 1ère semaine, voire 2ème semaine = Troubles digestifs : nausée ++, constipation, diarrhée
- Sudation excessive = hyperhidrose
- Dysfonction sexuelle
- Hyponatrémie avec ISRS, Venlafaxine
- Tricycliques : troubles du rythme cardiaque
- Risque d’allongement de l’espace QT avec le Citalopram, Escitalopram
- Effets anticholinergiques avec tricycliques, Deroxat
- Prise de poids
Quel antidépresseur en 1ère intention ?
Analyse de 21 antidépresseurs de 1ère et 2ème génération
Cipriani A, Furukawa TA, Salanti G, Chaimani A, Atkinson LZ, Ogawa Y, et al. Com- parative efficacy and acceptability of 21 antidepressant drugs for the acute treat- ment of adults with major depressive disorder: a systematic review and network meta-analysis. Lancet 2018;391(10128):1357–66.
Quel antidépresseur en 1er intention ?
•Toujours un ISRS ou un IRSNA ou un antagoniste alpha-2
•SERTRALINE 50 mg/j le matin
•VENLAFAXINE 75 mg/j le matin
•MIRTAZAPINE 15 mg/j au coucher
•Quand réévaluer le traitement après introduction?
•À 15 jours
•Puis une fois par mois
•Ou à 15 jours après une modification posologique
•Si aucune efficacité ou réponse inférieure à 15% à 15 jours après introduction,
•changer de molécules
•Objectifs ?
•Rémission totale la plus rapide possible
Interactions médicamenteuses des antidépresseurs
Cytochrome P450
- ISRS
- FLUOXETINE : inhibiteur du cytochrome 2D6
- PAROXETINE : inhibiteur du cytochrome 2D6
- CITALOPRAM, ESCITALOPRAM : peu d’interactions médicamenteuses (Mais risque d’allongement de l’espace QT)
Syndrome sérotoninergique clinique
•La forme bénigne se manifeste par des nausées, une agitation, un comportement agressif, des paresthésies
L’évolution est favorable en quelques heures après l’arrêt de l’ISRS
Cette forme peut passer inaperçue si le diagnostic n’est pas évoqué
•La forme grave est un ensemble de manifestations psychiques, motrices et végétatives :
-Agitation, confusion, hypomanie
-Tremblements, myoclonies
-Hypertonie diffuse avec hyperréflexie ostéotendineuse, puis rigidité musculaire avec ses conséquences (difficulté respiratoire, trismus gênant l’intubation, rhabdomyolyse…)
-Mydriase (parfois aréactive), sueurs profuses, hyperthermie, frissons
-Augmentation de la pression artérielle, tachycardie, tachypnée
•Des critères diagnostiques ont été établis par Sternbach en 1991 :
-Survenue de 3 symptômes parmi les suivants lors d’une mise en route ou de l’augmentation posologique d’un traitement sérotoninergique : troubles du comportement (confusion ou hypomanie), agitation, myoclonies, hyperréflexie, hypersudation, frissons, tremblements, diarrhée, incoordination, fièvre
-Elimination d’une autre étiologie en particulier infectieuse ou métabolique
-Pas de traitement neuroleptique mis en route ou majoré avant l’apparition des symptômes
• différentiel avec un syndrome malin des neuroleptiques, une intoxication aiguë par les IMAO non sélectifs ou la strychnine
Je tiens à préciser que cet article n’est qu’une synthèse du cours que je donne aux étudiants Infirmiers en Pratique Avancée. Si vous voulez le cours intégral contactez-moi sur la page de contact.