Pourquoi les IPA ne sont-elles toujours pas payées à la hauteur de leurs responsabilités ?

Infirmière en pratique avancée : un métier entre reconnaissance et frustrations financières

Depuis sa création, le métier d’infirmière en pratique avancée (IPA) fait beaucoup parler de lui. Pourquoi les IPA ne sont-elles toujours pas payées à la hauteur de leurs responsabilités ? Et pour cause : il représente une évolution importante dans le monde infirmier, une nouvelle marche à gravir pour celles et ceux qui veulent aller plus loin dans leur pratique. Cette fonction a été pensée pour mieux répondre aux besoins du système de santé : améliorer l’accès aux soins, fluidifier les parcours des patients et alléger la charge des médecins, notamment dans le suivi des maladies chroniques ou complexes.

Mais malgré l’expertise indéniable que les IPA apportent au quotidien, leur reconnaissance – surtout salariale – peine à suivre. Aujourd’hui encore, elles sont intégrées à une grille indiciaire spécifique, celle des auxiliaires médicaux en pratique avancée (AMPA), un positionnement qui suscite autant d’enthousiasme que de frustration.

Pourquoi les IPA ne sont-elles pas rémunérées à la hauteur de leurs responsabilités ? Comment expliquer cet écart avec les cadres de santé ? Et surtout, quelles évolutions espérer pour faire enfin bouger les lignes ? On fait le point, sans langue de bois.


Une nouvelle voie pour les infirmières expérimentées

Tout commence avec la loi du 26 janvier 2016, qui ouvre la porte à la pratique avancée pour certaines professions paramédicales. Pour les infirmiers et infirmières, c’est une chance de sortir du cadre traditionnel. La formation débouche sur un diplôme de niveau master (bac+5), et permet d’endosser de nouvelles responsabilités : poser un diagnostic, prescrire, assurer le suivi thérapeutique, animer des actions de prévention, former les collègues, et même participer à la recherche.

Pour encadrer tout cela, un nouveau statut a vu le jour en 2020, à travers le décret n° 2020-244. C’est la naissance officielle du corps des « auxiliaires médicaux exerçant en pratique avancée », au sein de la fonction publique hospitalière. Pour l’instant, seuls les infirmiers peuvent y accéder, mais à terme, cette catégorie pourrait s’ouvrir à d’autres métiers paramédicaux.

Une grille indiciaire à part… mais pas toujours à la hauteur

Une fois le diplôme en poche, les IPA sont rattachées à une grille salariale spécifique, établie par un autre décret (n° 2020-245). Cette grille comprend deux grades (classe normale et classe supérieure) avec plusieurs échelons permettant d’évoluer. Elle se veut être un compromis : reconnaître un niveau de compétence élevé, sans pour autant aligner les IPA sur les médecins, tout en respectant les règles bien huilées de la fonction publique hospitalière.

Sur le papier, cette grille se situe à mi-chemin entre celle des infirmiers spécialisés (comme les IADE) et celle des cadres de santé. Un positionnement qui traduit bien la singularité du métier : une infirmière qui gagne en autonomie, sans entrer dans le management pur et dur.

L’hôpital et sa logique hiérarchique bien ancrée

Derrière cette grille indiciaire, il y a aussi une volonté de maintenir un certain équilibre dans l’organisation hospitalière. L’idée, c’est de ne pas mélanger les genres. D’un côté, les soignants de terrain avec une forte expertise clinique (les IPA). De l’autre, ceux qui encadrent, organisent, gèrent les équipes (les cadres de santé). Même si les IPA montent en compétences, elles n’ont pas – du moins officiellement – de rôle d’encadrement d’équipe. Et c’est cette distinction qui justifie encore aujourd’hui la différence de traitement entre ces deux fonctions.

Un statut valorisant mais… des chiffres qui fâchent

En théorie, devenir IPA est une vraie évolution professionnelle. Mais dans la réalité du terrain, nombreuses sont celles qui se sentent lésées, voire déçues. Voici pourquoi :

  • Des salaires en retrait : un cadre de santé hors classe peut toucher jusqu’à 4 405 € brut par mois à son échelon maximal. Pour une IPA en haut de sa grille, on parle de 3 785 € brut. Et la différence se voit dès les premiers échelons.
  • Une plus-value trop faible après la formation : une IPA gagne en moyenne 94 € brut de plus par mois qu’un infirmier « classique ». Un chiffre très loin des 500 € supplémentaires que beaucoup jugent légitimes, vu les années d’études en plus, les responsabilités accrues, et l’investissement personnel.
  • Une insatisfaction massive : selon les données nationales, seuls 5,5 % des IPA se disent satisfaits de leur rémunération dans la FPH. C’est peu. Trop peu. Ce mal-être alimente des envies de reconversion, voire de départ vers le privé, où les conditions sont parfois plus attractives.

Une expertise précieuse… mais sans les clefs du pouvoir

Les IPA sont devenues en quelques années des actrices incontournables du soin. Elles posent des diagnostics, prescrivent, suivent des patients parfois très complexes, et s’impliquent dans la formation et la recherche. Mais leur rôle reste centré sur la clinique, sur la prise en charge directe du patient. Elles ne dirigent pas d’équipe, ne gèrent pas de planning, ne pilotent pas de projet de service.

À l’inverse, les cadres de santé, eux, sont au cœur de la machinerie hospitalière. Ils organisent, coordonnent, anticipent, gèrent les conflits, appliquent les décisions institutionnelles. C’est un autre métier. Et c’est cette différence de mission qui continue à justifier, aux yeux de l’administration, un écart de rémunération.

Mais sur le terrain, cet argument convainc de moins en moins. Car les IPA participent elles aussi à la transformation de l’hôpital, et leur rôle dans les parcours de soins est de plus en plus stratégique.

Un métier jeune, en pleine construction

Il faut aussi rappeler que le métier d’IPA est encore récent. Officiellement lancé en 2018, il cherche encore sa place dans l’écosystème hospitalier. Son cadre réglementaire évolue, parfois lentement, parfois sous la pression des collectifs et des syndicats.

Des rapports comme ceux de l’IGAS appellent à une revalorisation. Pas forcément en calquant la grille IPA sur celle des cadres, mais en créant une voie spécifique, mieux adaptée à leur réalité de terrain. Certains experts parlent même d’un « troisième espace statutaire », à mi-chemin entre encadrement et pratique médicale. Une piste à suivre ?

Reconnaître les IPA, c’est préparer l’avenir

Au fond, ce n’est pas qu’une question de paie. Ce qui est en jeu, c’est la reconnaissance d’un métier-clé pour l’avenir du système de santé. Les IPA sont appelées à jouer un rôle majeur dans les déserts médicaux, la prise en charge des maladies chroniques, et la fluidification des parcours.

Mais pour que cette fonction attire, pour que les vocations se multiplient, il faut qu’elle soit reconnue à sa juste valeur. Et cela passe, forcément, par une rémunération cohérente, motivante, et surtout alignée avec les missions réelles.

En conclusion : la grille actuelle est-elle encore pertinente ?

L’intégration des IPA à la grille des auxiliaires médicaux en pratique avancée a sans doute eu du sens au départ. Mais aujourd’hui, la majorité des professionnelles concernées la trouvent trop rigide, trop éloignée de leur quotidien, trop peu valorisante. Elles veulent être reconnues, pleinement, pour ce qu’elles sont : des expertes cliniques, autonomes, engagées, au cœur des soins.

Le métier d’IPA incarne une nouvelle façon de soigner, plus transversale, plus humaine, plus proactive. Il est temps que les grilles salariales et les statuts suivent le mouvement.

Parce que l’IPA, ce n’est pas juste une infirmière avec un master. C’est une professionnelle qui change, concrètement, le visage du soin. Et ça, ça mérite d’être reconnu. Vraiment.

Tableau comparatif des salaires en début de carrière entre infirmière, infirmière en pratique avancée, cadre de santé et médecin hospitalier

Tableau comparatif des salaires en début de carrière entre infirmière, infirmière en pratique avancée, cadre de santé et médecin hospitalier après 10 ans

SOURCES :

Grille indiciaire hospitalière – FPH     

( Rémunération des fonctionnaires selon la grille indiciaire de la fonction publique hospitalière.
La grille indiciaire hospitalière indique la rémunération brute mensuelle d’un agent de la Fonction Publique Hospitalière.
La rémunération brute de l’échelonnement indiciaire exclut les bonifications indiciaires, les primes et les indemnités (supplément familial de traitementindemnités de résidenceGIPA, …).

Valeur du point (au 01/01/2024)4,92278 )

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